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Parmi les phénomènes nouveaux que vous avez obtenu à l’aide d’une
si grande force électrique, je fais un grand cas des ramifications que jette
l’étincelle représentée pl. III. Ces rameaux marquent visiblement la direction
du fluide électrique. Comme on avoit repandu des doutes sur cette direction,
en disant qu’on pourroit la supposer à l’opposite; et comme il s’est élevé
dans ces derniers tems une secte, qui prétend ressusciter les deux fluides élec-
triques antagonistes, qui se vont à la rencontre, et s’enflamment par ce choc,
j’avois imaginé quelques expériences, qui pûssent détruire cette duplicité de
torrents électriques, une entre autres paroissoit mettre la chose en plein
jour; cependant elle ne portoit pas avec soi cette evidence, que je trouve
dans ces rameaux, qui faisant tous un angle aigu vers la partie ou l’on sup-
pose que le fluide est dirigé, montrent que ces parcelles échappées lateralement
retiennent encore du mouvement commun à toute l’étincelle, et qu’on ne se
trompe par conséquent pas en n’admettant qu’un seul courant de fluide élec-
trique, et en lui assignant la direction que la théorie Franklinienne suppose.
Tous les électriciens orthodoxes vous doivent donc savoir gré, Monsieur, d’avoir
porté le dernier coup à l’hérésie des dualistes, aux nouveau partisans des
du Fay, des Nollets et des Symmers.

Je dois à votre instigation vous proposer quelques expériences, que je
serois bien aise que vous fîtes. L’air électrisé je suis persuadé qu’il doit de-
venir rare à raison de la répulsion électrique qu’acquerront ses particules,
comme celles d’un flocon de lame ou de soye électrisé: j’ai même vu des
expériences, l’air électrisé par une effusion copieuse du premier con-
ducteur garni de pointes, s’élevoit vers le haut de la chambre: des fils
de lin pendants de la muraille près de la voute, divergeoient après quelque
tems que l’air avoit été bien électrisé, beaucoup plus que d’autres fils pen-
dants de la même muraille vers le plancher, ou à la moitié de la hauteur de
la chambre. C’est chez Mr. Marat à Paris, que je vis la premiere fois cette
expérience, et j’en compris bientôt la cause, c’est-à-dire l’air rarefié par l’élec-
tricité qui monte. Mais Mr. Marat, singulier en tout, me soutenoit, que c’étoit
le fluide électrique lui-même qui surnageoit à l’air: quelle étrange supposition !
J’espère que vous ne trouverez pas étrange la mienne; et je vous invite à
la vérifier en remplissant un grand vase d’air fortement électrisé à l’aide de
votre grande machine, que vous peserez à une balance délicate: je ne doute
guère que
vous ne trouviez cet air plus leger qu’un volume égal d’air à la
même température, mais non électrisé. Lorsque des nuages électriques re-
pandent l’électricité dans l’air, et le rarefient par , est-il étonnant que le
baromètre baisse. Avez-vous, Monsieur, des thermomètres (lisez: électromè-
tres) [1] comparables? Je suis parvenu à rendre tel celui de Henley. Vous