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Cependant les appareils ou piles à grandes plaques, qui brûlent si ai-
sément le fil de fer et fondent d’autres fils métalliques, ne donnent pas des
commotions sensiblement plus fortes que les piles étroites, à nombre égal
de plaques, de même qu’elles n’élèvent pas l’électromètre à un plus haut
degré de tension. Ce dernier fait s’entend facilement: mais, que la commotion
provenant d’une pile qui a la force de fondre des fils métalliques soit moderée
et supportable, celà paroit bien surprenant, et difficile à expliquer. Cependant
on le comprendra assez si on réflechit que le corps même de l’homme retarde
beaucoup, comme mauvais conducteur, le courant électrique avec une
foible tension, comme l’est toujours celle de la pile. On a des preuves de ce
retard par d’autres expériences analogues; eu tirant la commotion d’une
grande bouteille de Leyde foiblement chargée, ou d’un de mes appareils,
avec une chaîne de personnes qui se tiennent réciproquement serrées par leurs
mains humectées, on trouve que cette commotion s’affoiblit beaucoup pour
chaque personne qui s’ajoute successivement à la chaîne. Avec deux personnes
seulement elle est déjà considérablement moins forte qu’avec une seule; d’où
l’on peut juger que même une seule personne retarde déjà beaucoup le
courant électrique par l’obstacle que lui oppose le corps humain à traverser.

Cet obstacle a tant d’influence, que si dans l’expérience des grandes
plaques disposées pour fondre et brûler le fil de fer, ce fil, au lieu de com-
muniquer immédiatement avec la base de la pile, communique avec elle
moyennant une personne qui la tienne dans sa main, ou autrement, on ne
réussit plus à fondre, pas même sa pointe; tandis que, par une communi-
cation immédiate, on en fondroit plusieurs lignes etc.

Concluons que tous les conducteurs humides, ou de seconde classe, sont
des conducteurs très-imparfaits; mais que l’eau tenant en dissolution d’autres
substances, et surtout des sels, est un conducteur beaucoup moins imparfait
que l’eau pure. Mr. CAVENDISH, dans un excellent Mémoire dans lequel il
ramène tous les phénomènes de la torpille aux lois de l’électricité, (Trans.
Phil. 1775) estime, d’après certaines expériences, que l’eau est 400 millions
de fois moins conductrice que les métaux.

Concluons que si on obtient des commotions, et d’autres effets beaucoup
plus forts lorsque les couches humides de l’appareil électro-moteur sont
des solutions salines, que lorsqu’elles sont de l’eau pure, ce n’est pas qu’elles
augmentent réellement la force électrique: si quelquefois elles l’accroissent
un peu, d’autre fois aussi elles la diminuent, suivant que l’impulsion que
leur contact avec les métaux produit sur le fluide électrique, (impulsion
ordinairement foible mais réelle cependant, ainsi que je l’ai montre plus
haut) favorise ou contrarie le courant électrique déterminé par le contact
mutuel des métaux differens dont est composé l’appareil. Ce n’est pas, dis-je,
que ces solutions salines contribuent beaucoup à exciter le fluide électrique,