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beaucoup plus fortes par le même nombre de couples métalliques, et par le
même degré de tension électrique de la pile, qu’en les trempant d’eau pure:
on a, dis-je de beaucoup plus fortes commotions, indépendamment de l’action
chimique de ces liqueurs salines.

Parmi un grand nombre d’expériences qui prouvent mon assertion, il
y en a une que j’ai rapportée dans un de mes derniers Mémoires; (celui que je
lus à, l’Institut national de Paris): dans cette expérience, un appareil à cou-
ronne de tasses donnoit à l’électromètre à peu-prés le même degré d’électri-
cité lorsqu’il n’y avoit dans les tasses que de l’eau pure, que lorsqu’il y avoit
de l’eau salée; tandis que la commotion étoit incomparablement moins forte
avec l’eau simple. Or l’électromètre est bien un meilleur juge de la force élec-
trique, c’est-à-dire, il nous fournit une mesure bien plus fidèle, et bien plus
exacte de cette force que la commotion, laquelle dépendant en grande partie
de circonstances accessoires, et surtout de la bonté de l’arc conducteur, n’est
souvent qu’un signe très-équivoque, et jamais une mesure précise.

Une autre expérience bien démonstrative, que je propose ici, est de charger
une très-grande bouteille de Leyde, à un degré très-foible, au point seulement
qu’elle puisse donner une médiocre secousse jusqu’au coude lorsque d’une
main mouillée on tiendra l’extérieur de la bouteille, et que de l’autre, éga-
lement mouillée et armée d’un conducteur métallique un peu volumineux,
on touchera le crochet de cette même bouteille. Après avoir bien remarqué
la force et l’étendue de la commotion lorsqu’on décharge la bouteille de cette
manière, essayez de décharger cette même bouteille, chargée précisement
au même degré, en substituant au conducteur métallique tenu dans la main
une pile avec les cartons humectés d’eau pure, et une autre fois une pile du
même nombre de pièces mais dont les cartons soient imbibés d’une bonne
solution saline: vous éprouverez une commotion très-foible lorsque la pile
à l’eau servira d’arc conducteur, et une beaucoup moins foible lorsque vous
employerez la pile à l’eau salée; et celle-ci sera encore considérablement in-
férieure à la commotion obtenue par l’intermède du conducteur métallique pur.

Ainsi donc les interpolations des couches humides aux couples métal-
liques, soit dans les piles, soit dans les appareils à couronne de tasses, sont,
surtout lorsque le liquide est de l’eau pure, des obstacles très-considérables
à la rapidité du courant électrique, qui sans ces entraves seroit beaucoup
plus grande. On diminue ces obstacles suivant que les liquides choisis sont
des conducteurs moins imparfaits, et qu’ils s’appliquent mieux au contact
du métal: et par cette raison probablement ceux qui attaquent le métal
même et s’appliquent ainsi de bien plus près à sa surface, réussissent le
mieux. On les diminue encore, ces obstacles, à mesure qu’on donne plus
d’étendue au contact de la substance humide avec le métal. Cela explique
l’avantage des grande plaques qui serrent entre elles des disques humides
aussi grands.