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que le fluide électrique poussé continuellement dans un sens selon la force pré-
valente, doit circuler sans cesse, pourvu que son cours ne soit point arrété
par l’interruption des bons conducteurs.

Une autre chose que j’aime à rappeller est que la quantité de fluide
électrique qui est mise en mouvement par ce moyen des armures différentes,
n’est pas petite, comme on pourrait s’imaginer; qu’au contraire elle est très
considerable si on juge par l’effet produit sur la langue, et par la quantité
du même fluide qu’on est obligé de faire aborder au même organe avec la Ma-
chine électrique pour y produire un effet égal, savoir lui faire sentir la même
saveur acide ou alcaline au même dégré d’intensité, comme j’ai fait remarquer
déja. Il est bien vrai que dans un cas comme dans l’autre le courant de fluide,
tout abondant qu’il est, a si peu de rapidité, et déploye si peu de force et de
tension, qu’il ne donne pas de signes à l’électrometre, et qu’il peut être ai-
sément arreté par des mauvais conducteurs: en un mot c’est un courant riche,
mais doux et. paisible. Il faut pourtant qu’il ne soit, pas trop lent, qu’il ne soit
pas retardé davantage par des conducteurs interposés dans le circuit (comme
seroient un bois, un drap, un cuir, et même un papier de la plus petite épais-
seur, une membrane ec. ou seches, ou peu imbibés d’humeur) si l’on veut
qu’il puisse chatouiller les nerfs au point d’exciter ou la saveur dans la
langue, ou les contractions dans les autres muscles.

J’ai assez fait sentir, que ce courant, électrique étant déterminé et entre-
tenu par la différente tendance qu’ont différents métaux à dégorger le fluide
électrique ou à le sucer lorsqu’ils se trouvent simplement appliques à la surface
d’un corps aussi bon conducteur, mais inférieur à cet égard, d’un de ces corps
qu’on range parmi les non-conducteurs (laquelle différente tendance se mani-
feste de même lorsque les dits métaux frottent un corps de la classe des cohi-
bents ou idio-électriques), j’ai, dis-je, assez fait sentir avec cela que le phéno-
mene, dont il s’agit, n’est pas plus propre des organes ou substances animales
vivantes que de tout autre corps, qui ait la condition indiquée de bon con-
ducteur; et je l’ai formellement déclaré en indiquant pour exemple un drap
et un carton mouillé. Mais exige-t-on que j’allegue des expériences? En voici
quelques unes qui sont démonstratives. Je prens un verre d’eau et je plonge
dans cette eau une lame d’étain repliée pour qu’elle se soutienne, sur le bord
du même verre, ou si c’est une feuille mince, comme le papier qu’on dit argenté,
au lieu de la plonger je l’étends sur une partie de la surface de l’eau. Ces choses
ainsi disposees je trempe le bout de ma langue dans cette eau, à l’écart de la
lame d’étain, et appliquant plus en arriere sur le plat de la même langue la
partie convexe d’une cuiller d’argent, j’incline sa queue jusqu’au contact de
la lame d’étain repliée comme je viens de dire sur le bord du verre: au même
instant ma langue sent la saveur acide, et continue de la sentir tant que ce
contact dure. Il est donc manifeste que le fluide électrique coule de la lame