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plus forte, ou vice versa, une contrarieté semblable a lieu entre un frottement
ou pression quelconque des susdits métaux; et leur simple contact sans aucune
pression ou frottement.

Laissant les explications, qui nous conduiraient trop loin, tenons nous au
fait. Le fluide électrique coule donc spontanément, dans les expériences qui
nous occupent, de la lame d’étain ou de plomb aux parties de l’animal que cette
lame touche, penetre dans ces parties jusqu’à une certaine profondeur, et
s’avance vers celles qui se trouvent en contact de la lame d’argent ou d’or,
passe dans cette autre lame, qui le transmet, supposé qu’il y ait bonne commu-
nication, à la lame d'étain, qui le dépose de nouveau doucement; c’est ainsi
qu’il s'établit une circulation continuelle tant que les communications sub-
sistent. Or si le courant de fluide électrique, qui penetre, comme je viens de
dire, à une certaine profondeur dans les fibres animales, profondeur qui n’est
pas grande, et assez seulement, pour qu’il puisse se frayer un chemin plus libre
d’une partie armée à l’autre, si, dis-je ce courant rencontre sur son passage
des nerfs, voila qu’il les irrite (comme nous avons appris qu’il a eminemment
cette puissance) et ces nerfs alors irrités excitent ou les sensations, ou les mou-
vements musculaires, suivant leur employ.

Je dis sensations ou mouvements musculaires suivant l’employ ou fonction
propre des nerfs; car mes expériences sur la langue m’apprennent qu’un muscle
paraîtra susceptible de toutes les contractions et mouvements volontaires, et
même tres-mobile, et le fluide électrique peut en le penetrant stimuler des
nerfs très sensibles qu’il recele, sans pourtant’ y occasionner aucun mouvement
si par hazard l’office de ces nerfs est tout autre, si ce sont des nerfs destinés
uniquement aux sensations : Or tels sont ceux dont se trouve parsemée la langue
surtout vers sa pointe. Voila pourquoi le seul effet, qu’y produit la vellication
causée par le trajet du fluide électrique, est une sensation de saveur, et il n’ar-
rive point de convulsion. Conformément à cette idée je pensai que les nerfs in-
servients aux mouvements volontaires de la langue se trouvant implantes à
sa racine, si l’on l’arracheroit à un animal, et qu’on y appliquât une des ar-
mures métalliques à cette même racine, ou près de l’insertion des dits nerfs,
on obtiendroit les mouvements vifs, dont la langue est susceptible, et l’expé-
rience me réussit selon que j’avois prévu. Comme cette expérience est une des
plus belles et de plus instructives, je vais la décrire un peu particulierement.

Ayant coupé à un agneau tout recemment égorgé la langue près de sa ra-
cine, j’appliquai une feuille d’etain près de cet endroit, et une cuiller d’argent
à une de ses faces: ayant alors établi une communication, comme il faut, entre
ces deux armures métalliques, j’eus le plaisir de voir la langue entiere tre-
mousser vivement, elever surtout sa pointe se tourner et se replier de part,
et d’autre pas secousses, et cela chaque fois que je faisois communiquer les
deux armures. J’ai repeté cette expérience sur une langue de veau, que je