136
suffit: en effet j’étois déjà parvenu, il y a quelques années, à électriser sensi-
blement des plaques de verre et de resine parfaitement nettes et seches, en
les posant le plus doucement possible sur un bain de mercure, ou sur des cous-
sinets recouverts de feuilles métalliques aussi seches et nettes, et en les dé-
tachant avec la même legereté. Eh bien: les expériences d’aujourd’hui m’ap-
prennent, qu’il n’est pas même besoin de pression sensible pour que les lames
métalliques appliquées aux muscles, aux nerfs, ec. déterminent un semblable
transport de fluide électrique, mais qu’il suffit de cette seule application, et
que tant que cette application dure le fluide continue d’être poussé comme il
le seroit pas un frottement continué. Et qu’on ne croye pas, que cela ait lieu
seulement lorsque ces deux métaux sont mis et restent en contact des subs-
tances animales, puisque mes ultérieures expériences, qu’il seroit trop long
de rapporter ici, m’ont appris qu’il en est de même si on les met en contact
d’autres déférents, e. g. de l’eau, d’un carton mouillé ec.

On peut donc conclure que le contact seul des métaux avec des corps con-
ducteurs suffisamment bons, quoique inférieurs de beaucoup à eux, avec des corps
nommés non-électriques opère sur ceux-ci ce qu’on croyoit ne pouvoir opérer
que le frottement ou la percussion sur les non-conducteurs ou idioélectriques;
et je crois au surplus, que justement pour de tels non-conducteurs, dans les-
quels le fluide a beaucoup de peine à entrer de même qu’à sortir, le frottement
est requis, comme moyen plus efficace, tandis qu’il ne l’est pas du tout pour
les conducteurs suffisamment bons, le fluide électrique pouvant se mouvoir
avec beaucoup plus de facilité, la présence seule, le seul contact des métaux
jouissant d’une force propre de lâcher le fluide électrique ou de l’attirer, suffit
à produire l’effet, que rien ici n’empeche. Voila une découverte importante,
d’autant plus qu’elle tend, si non à rendre une raison plus satisfaisante de la
rupture d’équilibre et du trasnport du fluide électrique occasionné par le frot-
tement lui-même, à generaliser un tel effet et à rectifier nos idées là-dessus.

Mais supposé que le simple contact soit dans les circonstances décrites équiva-
lent, jusqu’à un certain point au frottement, comme nous venons de l’expliquer, il
se présente une autre difficulté très forte et qui semble renverser toute analogie :
c’est que lorsqu’il s’agit de frottement l’or et l’argent sont plus disposés à
donner du fluide électrique au corps frotté par eux, que l’étain et le plomb;
tandis qu’ici l’on se contente d’appliquer des lames de ces mêmes métaux
aux substances animales, aux corps imbibés d’eau ec. c’est tout le contraire
(comme il est prouvé par mes expériences sur la langue que j’ai décrites), puisque
le fluide électrique coule de l’étain ou du plomb dans les points qu’ils touchent
et passant tout de suite aux parties en contact de l’argent ou de l’or entre dans
ceux-ci. À cela je ne sçais en vérité que répondre, si non, que comme la quantité
du frottement change souvent les choses, et fait que, tout d’ailleurs égal tel
corps qui donneroit par une plus foible pression en frottant, reçoive par une