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Effectivement deux métaux de la même espece ne produisent point les
sensations dont il s’agit, au moins d’une manière sensible; ainsi point do
saveur sur la langue, point de convulsions dans aucun des muscles, si on y
applique des armures de même metal, et d’une trempe et d’une surface égale. Au
contraire je puis affirmer, qu’ayant essayé presque toutes les combinaisons de
métaux différents, presque toutes ont produit plus ou moins d’effet (et quelque
fois aussi deux métaux de la même espece ayant seulement quelque différence
dans l’alliage, la trempe, la dureté, la rudesse ou politure des surfaces). Il y
en a pourtant qui l’ont produit à peine sensible, comme celles d’or et d’argent,
de cuivre et de fer, d’étain et de plomb. En general je crois pouvoir partager
à cet égard les métaux en trois ordres, haut, moyen, et inférieur, en assignant
au premier l’argent, l’or, la platine, le mercure; au second le cuivre et plusieurs
de ses alliages, le fer et quelques demi-métaux; au dernier le zinc, le plomb,
l’étain. Or l’effet est le plus grand, c-à-d. les contractions des muscles plus
violentes, et la saveur de la langue plus forte, lorsqu’on employe pour armures
un du premier ordre, l’autre du troisième, surtout argent et étain; et au con-
traire le plus petit lorsqu’on oppose deux métaux du même ordre, comme or
et argent, étain et plomb, cuivre et fer, enfin on a un effet mediocre si on com-
bine un métal de l’ordre moyen avec un autre soit de l’ordre inférieur, soit du
supérieur; quoique dans ce dernier cas, p. e. avec cuivre ou fer d’un coté, et
argent ou or de l’autre, l’effet est encore moins que mediocre: ce qui prouve,
que les métaux que j’ai rangé dans le moyen ordre, le fer, le cuivre ec. s’ap-
prochent beaucoup plus du supérieur que de l’inférieur.

J’avoue qu’il est difficile de comprendre par quelle cause deux métaux
de différente espece appliqués à doux parties externes de l’animal, même à deux
muscles semblables, ou à deux endroits d’un seul et même muscle, troublent
le repos du fluide électrique et le déterminent à passer sans cesse d’un terme
à l’autre. Cela ne peut arriver que d’une de ces manières: ou qu’un des métaux
tend à donner du fluide électrique, tandis que l’autre tend à en prendre aux
parties qui leurs sont en contact; ou que tous les deux tendent à en soutirer,
mais avec des forces respectivement inégales; ou enfin qu’ils tendent avec des
forces inégales à en déposer dans les parties respectives, ce que je suis plus
porté à croire. Par chacune de ces manières on conçoit très bien qu’il doit
se faire un transport de fluide électrique d’une partie à l’autre, toutes les fois
que les métaux qui touchent ces parties communiquent entr’eux, et comment
il doit s’établir un courant continuel et d’une certaine rapidité si le corps
auquel sont appliqués ces métaux étant lui même un bon conducteur (comme
le sont dans notre cas les nerfs et les chairs vivantes imbibés d’humeurs, la
langue ec.) le fluide électrique peut aisément repasser d’une partie à mesure
qu’il s’y accumule, à l’autre qui s’épuise. Mais comprendra-t-on d’où vienne
cette tendance des métaux, cette force de soutirer ou de donner du fluide