127
qu’instructifs. J’applique à la pointe de la langue une. lame d’étain bien nette,
et plus avant [2] sur son plat une monnoye d’argent ou d’or; puis arançant
celle-ci je la. fais arriver jusqu’au contact de la dite lame: à l’instant il s’ex-
cite sur la pointe de ma langue une sensation plus ou moins vive; celle
d’une saveur aigre bien décidée, qui continue et va même en augmentant tant
que la communication des deux metaux dure. Au lieu d’une lame solide d’étain
je me sers plus avantageusement d'une feuille mince de ce métal [3], ou d’un
morceau de ce papier argenté dont j’ai parlé ci-dessus. Voila un phenomene
bien frappant: mais ce qui l’est encore plus, c’est qu’en faisant l’expérience
d’une maniere inverse, c’-à-d. en appliquant au plat de la langue [4] l’étain
et l’argent à son bout, on sent ici [5] une saveur tout-à-fait differente, une
saveur brulante tirant à l’amer, d’une acreté enfin plûtôt alcaline qu’acide.

Il n’est pas douteux, que cette différente sensation vient [6] de ce que le
fluide électrique entre dans un cas et penetre la pointe de la langue et dans
l’autre il en sort; et je crois avoir determiné lequel des deux saveurs tient à
l’entréelequel à la sortie du dit fluide. C’est donc la saveur acide qu’il produit en
entrant et l'autre alcaline ou. quasi alcaline [7] en sortant: ainsi l’étain fait pas-
ser du fluide électrique à la partie qu’il revêt et l’argent au contraire soutire du
même fluide aux points qui lui sont en contact [8]. J’ai eu recours pour determi-
ner cela à l’électricité artificielle: j’ai appliqué le bout de. la langue au grand
conducteur de la machine électrisé tantôt positivement, tantôt négativement
et j’ai senti bien distinctement les deux mêmes saveurs, l’acide par l’électri-
cité positive, l’autre saveur acre et presqu’alcaline par la négative [9]. Il faut
pour bien goûter et distinguer ces saveurs ne pas exciter d’étincelles sur la
langue, lesquelles en l’irritant trop vivement procureroient d’autres sensa-
tions que celle du goût, des sensations plus ou moins douloureuses: il faut non
pas de ces irritations brusques et à secousses, mais une irritation [10] douce et
continuée telle qu’on l’a en recevant. sur le bout de la langue le souffle chatouil-
lant ou vent électrique à une distance convenable de la pointe émoussée du
conducteur, ou en tenant appliqué le bout même de la langue au conducteur
tandis qu’on fait jouer la machine électrique. Voulez-vous exclure tout soup-
çon, que la saleur qu’on sent soit la saveur propre du métal? n’appliquez
pas immediatement votre langue à celui-ci [11] mais à un morceau de bois, à
un drap mouillé ecc. que vous aurez uni au conducteur métallique [12]. Il est
bon aussi pour empecher, qu’en retirant par hazard la langue il n’éclate des
étincelles piquantes, de laisser pendre une chaine du conducteur sur la table,
OU sur le plancher; alors ce conducteur n’étant pas isolé donne un passage as-
sez libre au fluide électrique et rien n'arrete son cours tant qu’on fait jouer
la Machine; si bien que par cet écoulement continuel l’électricité ne peut ja-
mais monter à une tension considérable; à peine un electrometre bien sen-
sible appliqué à ce conducteur donne-t-il quelque foible signe. Cependant