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comme en appliquant la langue à ce même conducteur une partie plus ou
moins [13] grande du fluide électrique mis en mouvement [14] doit s’écouler par
cette voye [15] voila justement ce qu’il faut pour chatouiller doucement la
langue c’-à-d les nerfs du goût [16] et y exciter la sensation, dont il s’agit,, sa-
voir la saveur acide ou l’autre acre et brulante, selon que le fluide entre ou
sort. Il faut pourtant, afin que ces sensations soient remarquables et assez
vives, sur-tout celle de la saveur alcaline, qui [17] s’excite plus difficilement,
quoique lorsqu’on arrive à l’exciter elle devienne par son acreté plus piquante
et desagreable, il faut, dis-je, que le fluide électrique, qui coule si doucement,
soit en revanche assez copieuse: c’est pourquoi il faut que la Machine joue
bien, et fournisse abondamment.

Avec tout cela on ne parvient [18] jamais à exciter une saveur aussi forte
que celle qui est produite par les deux lames d’argent et d’étain appliquées
simplement à la langue et communiquantes entr’elles. La raison est proba-
blement, qu’ici le mouvement du fluide électrique est encore moins rapide,
de sorte que s’arrêtant pour ainsi dire au bout des nerfs [19] il y deploye plus
avantageusement cette action, qui est propre à exciter le sens du goût. On
peut aussi croire, que la quantité de fluide électrique mis en jeu de cette
maniere n’est pas petite, quoique son courant ait peu de vitesse [20]. Mais je
parlerai de cela dans la suite.

Il faudra, Monsieur, que je vous écrive une seconde lettre en continuation
de celle-ci, car j’ai encore bien de choses à vous communiquer. Agréez en at-
tendant ceci, et que je sache ce que vous en pensez. Je suis avec toute l’estime
et l’amitié possible

Votre ec.
A. VOLTA.

A. Monsieur
Mousieur le docteur VAN MARUM, Directeur
de Musée de Teyler à
Hollande. Haarlem.