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legeres, qu’on a vu voltiger autour de la tête de quelques personnes, et du
corps des chevaux, n’étoit vraisemblablement autre chose que ces aigrettes
électriques, que la surprise, et l’amour du merveilleux a fait beaucoup exagérer.

( ) On a voulu appeler cette électricité électricité animale, de même
que celle qu’on a observé naître comme spontanément dans les plumes de
quelques perroquets vivants; mais on a eu grand tort, vu que l’animal vivant ou
mort, ne contribue rien à cette électricité, qu’elle ne tient à aucune fonction
vitale, étant produite simplement par le frottement des poils, de la soye, de la
laine, et du linge même, qui, lorsqu’ils se trouvent parfaitement secs, sont des
excellents idioélectriques, tout aussi bien que le bois séché, le papier ec. ( ).

L’animal qui porte ces corps peut tout-au-plus en favoriser l’électrisation
en ce qu’il y entretient une douce chaleur, qui est d’un si grand avantage
pour les corps de cette espece: cela est si vrai, qu’un bois ou un métal chaud
au même degré sur lequel on étendra une tresse de cheveux, une pelisse, les
bas de soye ec. favorisera également, et mieux même que la personne vivante
l’électricité de ces corps, vu qu’il n’y aura point de transpiration humide.

( ) Pour donner le nom d’électricité animale il faut en trouver une qui
soit essentiellement liée à la vie, qui tienne à quelqu’une des fonctions de
l’économie animale. Mais une telle électricité existe-t-elle? Oui: on l’a découverte
dans la Torpille, et dans l’ Anguille tremblante du Surinam, que les Naturalistes
appellent d’après Linnée Gymnotus electricus. Le premier de ces poissons
a une forme aplatie, et se trouve dans la Méditerranée, rarement dans
l’Océan: le second est un poisson d’eau douce, qui habite les rivieres du Surinam
et de la Cayenne.

( ) Les anciens connoissoient très-bien la Torpille, et cet engourdissement
singulier qu’elle produit dans le bras qui vient à la toucher médiatement
ou immédiatement. Pline entr’autres en parle d’une maniere assez claire.
C’est cette sensation d’engourdissement que produit ce poisson, qui lui a fait
donner le nom latin de Torpedo.

( ) On a | avoit imaginé plusieurs hypotheses plus ou moins ingénieuses
pour expliquer ce phénomene extraordinaire; mais rien de plus. Après la découverte
des principaux phénomenes électriques quelques Physiciens, nommément
s Gravesande et Musschenbroek sentant l’insuffisance de toutes ces
explications simplement mechaniques, et apercevant une grande ressemblance
entre la commotion que donne le poisson dont il s’agit, et celle produite par
la bouteille de Leyde, jugerent que ces deux phénomenes pourroient bien
être de la même espece, et produite par la même cause, c’est-à-dire par l’électricité.
Mais il étoit réservé a Mr. Walsh membre de la Société Royale de Londres
d’en démontrer la parfaite identité par des expériences sans replique.
Mr. Bayen médecin du Roy à la Louisianne l’avoit déjà prévenu dans quelques