LETTRE
DU PROFESSEUR VOLTA À J. C. DE LA MÉTHERIE,
SUR LES PHENOMÈNES GALVANIQUES.

A Paris, 18 vendémiaire an X.

Vous m’avez demandé, monsieur, un précis des expériences par lesquelles
je démontre évidemment ce que j’ai toujours soutenu; savoir que le prétendu
agent ou fluide galvanique n’est autre chose que le fluide électrique commun,
et que ce fluide est incité et par le simple contact mutuel des conducteurs
différens, sur tout métalliques: faisant voir que deux métaux de différente
espèce accouplés produisent déjà un peu de véritable électricité, dont j’ai
déterminé la force et l’espèce; que les effets de mes nouveaux appareils (qu’on
peut appeler électro-moteurs) soit à pile, soit à couronne de tasses, qui ont
tant excité l’attention des physiciens, des chimistes et des médecins; ces
effets si puissans et merveilleux ne sont absolument que la somme addition-
nelle des effets d’une série de plusieurs couples métalliques pareils, et que les
phénomènes chimiques eux-mêmes qu’on en obtient de décomposition de l’eau
et d’autres liquides, d’oxidation des métaux, etc., sont des effets secondaires;
des effets, je veux dire, de cette électricité, de ce courant continuel de fluide
électrique, qui, par ladite action des métaux accouplés, s’établit sitôt qu’on
fait communiquer par un arc conducteur les deux extrémités de l’appareil,
et une fois établi, se soutient et dure tant que le cercle n’est point interrompu.
Vous m’avez demandé ce précis pour l’insérer dans le prochain cahier de votre
Journal de physique, convaincu vous-même de la vérité de ces observations
par quelques-unes de ces expériences que j’eus le plaisir de vous montrer hier
avec mes petits appareils portatifs, en présence du célèbre physicien de Genève,
M. PICTET, et d’autres amis. Je suis fâché que le temps ne me permette pas
de m’étendre dans cet écrit que je vous envoie, pour répondre en quelque
manière à votre invitation, et qui ne pourra remplir qu’en partie votre attente.
Prenez-le donc pour un avant-coureur du mémoire plus étendu que je me pro-
pose de faire paroître dans peu.