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EXPERIENCE N. Il est bien surprenant qu’une tranche de bonne chair
musculaire, coupée, par exemple, à la cuisse d’un agneau égorgé une demie
heure ou une heure avant; que ce morceau, dis-je, de muscle presqu’entiè-
rement refroidi, et qui ne se ressent plus de l’action d’aucun stimulant mécha-
nique ou chymique, soit si puissamment affecté par le fluide électrique transmis
d’une partie à l’autre, au point d’être saisi de contractions spasmodiques très
fortes; et qu’au contraire le cœur recemment arraché à ce même animal, et
encore tout chaud et très irritable, traité de même, sollicité également par
des armures métalliques le mieux adaptées, et l’arc conducteur qui en établit
la communication, n'en souffre aucune altération; que ses battements lorsqu’ils
sont affoiblis et lents ne redoublent point, et lorsqu’ils sont suspendus ou as-
soupis ne se reveillent pas, tandis que cela arrive par les plus foibles stimu-
lants méchaniques, ou chymiques.

(40.) Le fluide électrique donc, qui paroit être le stimulant approprié
aux muscles de la volonté, ne l’est aucunement pour le cœur, et pour les autres
muscles doués des mouvements vitaux et animaux non volontaires. Mais que
dira-t-on si je montrerois qu’il n’est pas non plus la cause immédiate, ou effi-
ciente, des mouvements des dits muscles volontaires; que dans ceux-ci mêmes
il n’est encore qu’une cause médiate, en tant que les nerfs seuls en sont direc-
tement affectés? C’est ce que plusieurs expériences m’ont appris; par lesquelles
j’ai été forcé de renoncer aux plus belles et vastes idées. J’aimois à penser,
avec Mr. GALVANI, que le fluide électrique mis en mouvement dans les organes,
toutes les fois qu’il poussoit son courant jusqu’aux muscles, et qu’il les frappoit
avec une certaine force, fit lui-même l’office de stimulant, et excitât l’irrita-
bilité qui leur est propre; que tous les mouvements musculaires s’executassent
par une semblable irruption de fluide électrique dans les muscles, soit lorsqu’on
employoit l’électricité artificielle, soit lorsqu’on donnoit jeu à l’électricité
animale naturelle; qu’enfin les mouvements mêmes qui se font naturellement
clans la machine animale vivante, au moins le mouvements volontaires, ré-
connussent la même cause, savoir l’action immédiate du fluide électrique sur
les muscles. Mais, je le repéte, j’ai renoncer, non sans regret, à toutes ces
belles idées, par lesquelles il nous paroissoit possible d’expliquer les choses à
merveille. Oui, il faut limiter beaucoup l’action de l’électricité dans les animaux,
et l’envisager sous un autre point de vue, savoir, comme capable seulement
d’exciter par elle-même les nerfs, comme j’ai déja indiqué, et comme je vais
maintenant prouver [1] .